(*Prénom d'emprunt)
Fatima* a été menacée de mort et tondue par son père devant sa mère, complice.
Condamnés par le Tribunal de police de Genève, les parents n'acceptent pas le jugement.
«Le père est sadique, égoïste, et son comportement au cours de l'instruction a été mauvais. La mère est elle aussi sadique et égoïste, et son mode d'exécution était perfide.» Voilà comment le Tribunal de police de Genève, dans un jugement rendu le 10 novembre, décrit les parents de la jeune Fatima*, même pas 1? ans au moment des faits. Quel acte a commis cette adolescente pour que son père, encouragé par son épouse, la frappe, la menace de mort, tente de l'étouffer et lui rase la tête? Elle a refusé de livrer le mot de passe de sa boîte Hotmail. Condamné à 2 ans et demi de prison, dont mois ferme, le père a fait appel. La mère, elle, a écopé d'un an et demi avec sursis. Mais elle a été jugée par défaut, soit en son absence et en celle de son avocate. D'où l'audience d'hier, au cours de laquelle son avocate, Me Dina Bazarbachi, a relevé le défaut.
Adresse secrèteConcrètement, le tribunal devrait confirmer très rapidement la peine infligée à la mère. Qui devrait alors faire appel. Un appel étudié conjointement à celui du père. Les faits reprochés au couple remontent à 2007. Les voici tels que racontés par leur fille, une version qui a convaincu le tribunal. Le 26 août, en fin de journée, Fatima est devant son ordinateur. Sa mère remarque qu'elle a créé, en secret, une adresse Hotmail. Son père exige le mot de passe. Fatima refuse de le fournir. Il crie, la pousse, la frappe avec ses pieds et ses poings et la tire violemment par les cheveux. Puis il la dévêt et menace de l'emmener nue dans la rue devant tout le monde.
Fatima ne livre toujours pas le mot de passe. Alors son père prend un couteau et un sac-poubelle, menace de la découper et de la jeter dans la forêt. Sa mère, qui assiste à la scène, propose de lui raser les cheveux et va chercher des ciseaux. Son père les lui coupe au niveau des épaules et lui dit qu'elle va mourir. Puis il prend le sac-poubelle, le lui met sur sa tête et tente de l'étrangler. Fatima se débat et tombe.
Elle craqueSon père la rhabille, l'emmène dans la forêt, lui assène un coup de poing à l'oeil droit et lui tape la tête contre la vitre de la voiture. Fatima craque. Et livre le mot de passe. Retour à la maison, où le père découvre qu'elle a discuté avec un garçon sur Internet. Il prend sa tondeuse et lui rase une partie des cheveux avec violence. Elle pleure. Sa mère regarde la scène en rigolant. Avant de finir de lui couper les cheveux très courts sur le crâne. Son père la frappe encore dans le dos et dans le ventre.
Sa mère lui dit de se taireLe lendemain, sa mère la dépose à l'école, l'invite à ne rien dire à personne et lui promet de la conduire chez le gynécologue pour voir si elle est toujours vierge. Si elle ne l'est pas, dit-elle, elle sera tuée. Fatima descend de la voiture. Et s'ouvre au personnel de l'école. Elle est conduite aux urgences par l'infirmière scolaire. Quelques jours plus tard, son père est inculpé et incarcéré. Il dormira en prison à titre préventif pendant plus de trois mois. Elle aussi inculpée, son épouse ne sera cependant pas emprisonnée.
«La mère n'a pas réagi quand son mari a menacé de tuer leur fille et c'est elle qui lui a conseillé de la raser encore plus», a martelé hier Me Corinne Arpin, avocate de Fatima. «Ma cliente conteste avec véhémence les faits qui lui sont reprochés», a rétorqué Me Dina Bazarbachi. Qui ment? Dans son jugement du 10 novembre, le tribunal considère que «les déclarations de la victime sont crédibles» alors que la version des parents «souffre au contraire de nombreuses incohérences et contradictions».
Partis en Algérie Après l'agression dont elle a été victime, Fatima* a été placée dans un foyer, à Genève. Ses parents sont rentrés en Algérie avec leurs deux autres enfants. Dans un premier temps, ils n'ont pas eu de contacts. Avec le temps, Fatima a souhaité prendre des nouvelles des siens.
Elle en ressentait le besoin. Elle a revu son père et sa mère. «Durant les mois qui ont précédé l'audience de novembre, la jeune femme a subi énormément de pression de la part de sa famille pour lui faire retirer ses déclarations et sa plainte, sous forme de cadeaux et d'invitations, mais également de menaces et de blâmes», affirme la psychothérapeute de Fatima. «Faux, rétorque Me?Bazarbachi. Les parents n'ont pas exercé la moindre pression sur leur fille.» Résultat: Fatima et ses parents sont de nouveau en froid et ne se parlent plus.
Source =>
http://www.lematin.ch/actu/suisse/paren ... ues-277193