Témoignages de quatre «téléchargeurs» de 2009
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CULTURE - 20minutes.fr a demandé à quatre consommateurs de musique, films et séries comment et pourquoi ils les téléchargeaient...
Vous téléchargez? Pourquoi faire? Vous payez ou vous piratez? Pour mieux comprendre les habitudes des «téléchargeurs», qu’il soient dans la légalité ou pas, 20minutes.fr a recueilli quatre témoignages anonymes, forcément, et masculins — aucune femme n’ayant répondu à nos requêtes. Seul l'âge des sondés a été conservé. Une façon de faire le point avant l’examen du projet de loi anti-piratage, prévu à l'origine à partir du 4 mars, mais qui sera repoussé à cause de l'examen du texte sur l'hôpital.
Que téléchargez-vous illégalement? Sur quelle plate-forme?
Pierre, 30 ans: «Je télécharge quasi exclusivement des séries. Pour suivre le rythme de diffusion américaine et pouvoir regarder celles que la France n’a pas encore achetées. Je les télécharge sur le réseau BitTorrent via Mininova (ou quelques fois Pirate Bay). Le système d'évaluation (notamment les commentaires) permet d'être sûr de ne pas télécharger un fichier pourri. Et avec ma connexion en fibre optique, j'ai téléchargé le dernier épisode de "Lost" en 20 minutes».
Léo, 21 ans: «Je télécharge illégalement sur Mininova, parce qu'aller au ciné, pour voir tous les films qui m'attirent, reviendrait trop cher, et que je trouve dommage d'acheter des DVD pour ne les regarder qu'une fois. Récemment, j’ai téléchargé les derniers épisodes de "Prison Break" et de "Gossip Girl".»
Julien, 22 ans: «Je télécharge des vieux classiques que j’ai envie d’avoir sous la main, type "Les Bronzés". En musique, je cherche les nouveautés. Mais depuis que je suis sur Deezer, j’ai quasiment arrêté de télécharger de la musique. Je préserve mon disque dur! »
Alfred, 40 ans: «Pour les séries télé, je pirate avec des Torrents. Je ne vois pas pourquoi je devrai attendre qu’une série soit achetée puis diffusée sur Canal+ un an après la diffusion américaine pour la découvrir. On est dans un monde global, je veux voir ce que visionne un spectateur américain moyen!»
Téléchargez-vous pour écouter/regarder tout de suite ou vous constituez une bibliothèque?
Pierre: «Côté films et séries, je ne stocke rien, et en MP3 pas grand-chose non plus, parce que je viens de casser mon lecteur MP3 et que dans la foulée, j'ai changé mon ordi et j'ai eu la flemme de transférer mon dossier musique sur le nouveau disque dur.»
Léo: «En général, je regarde ce que j'ai téléchargé tout de suite, surtout lorsqu'il s'agit de séries. Pour les films, je les amasse, mais involontairement: l'objectif n'est pas de les accumuler, mais de pouvoir les regarder dès que j'en ai envie.»
Julien: «Plutôt pour une bibliothèque. Histoire d’avoir un film sous la main en cas d’ennui, rien de plus.»
Avez-vous déjà payé pour télécharger?
Pierre: «J'ai déjà acheté des films sur TF1 vision et Canal Play, mais je n'ai pas été très satisfait: choix ultra réduit, qualité de l'image médiocre, et surtout, je me suis retrouvé sur TF1 Vision avec un film japonais en VF (je n'avais même pas pensé qu'il pouvait ne pas être en VO), et ça m'a énervé.»
Julien: «J’ai essayé de télécharger légalement de la musique, mais 1) C’est assez cher 2) C’est tellement pénible, avec le téléchargement des licences, l’interdiction de graver plus de trois fois et tout le tintouin, que je suis revenu à Emule. Le téléchargement légal de musique n’est pas abouti, il y a trop d’emmerdements par rapport au bon vieux P2P.»
Alfred: «Pour la musique, je télécharge légalement sur emusic.com où je paie une douzaine d’euros par mois pour 40 MP3 sans DRM (les verrous numériques, ndlr). La musique que j’achète est de qualité. Je dirais que j’achète des artistes et pirate ce que je considère comme de la consommation musicale. Pour les vidéos, je serais prêt à payer 12 euros aussi, voire un peu plus, pour un catalogue qui offrirait les séries des chaînes américaines HBO, CBS, Showtime, et Fox. Mais aujourd’hui, cette offre n’existe pas.»
Que pensez-vous du projet de loi «Création et Internet»?
Pierre: «La loi à venir, je la trouve débile, déjà dépassée (elle ne tient pas compte des capacités des pirates à se rendre invisibles, ni des réseaux fermés, ni des serveurs de streaming, etc). Elle va sûrement rassurer l'industrie du cinéma et de la musique, mais pas sûr qu'elle ralentisse le déclin inéluctable des ventes physiques (dont je ne me réjouis pas).»
Léo: «Cette loi aurait plutôt tendance à me rassurer, dans la mesure où elle ne sanctionne pas immédiatement les gens qui téléchargent.»
Julien: «Petit à petit, le pouvoir politique cherche à mettre sous sa coupe le seul espace sur lequel il n’avait aucune influence: Internet. Interdiction des téléchargements, mais aussi recensements et listes noires de certains sites, cyber traque… on voit, aujourd’hui, apparaître beaucoup de prétextes, futiles selon moi, de mise sous tutelle d’Internet. Comme si le Web était fou, comme s’il fallait interner les internautes.»
Alfred: «J’ai énormément acheté de musique, en vinyles, en CD, et j’ai donc l’impression d’avoir déjà beaucoup payé pour l’industrie musicale. Les majors se sont tellement sucrées sur mon dos que ce projet de loi me paraît exagéré, comme une énième tentative de récupérer ce qu’il y a encore à gratter.»
Supposons que vous receviez un mail d’avertissement, prévu dans le cadre de la riposte graduée. Continuez-vous à télécharger?
Pierre: «Il y a assez peu de chance que je reçoive une lettre d'avertissement parce que je fais des efforts pour ne pas être repéré (déjà, je ne télécharge pas les blockbusters français ou américains, et j'utilise les fonctions de cryptage des logiciels P2P). Si jamais j'en reçois, je redoublerai d'efforts pour «anonymiser» ma connexion.»
Léo: «Non, j'arrêterai.»
Julien: «Je m’arrête 15 jours… Puis le stress passé, je reprends.»
Alfred: «Je ne recevrai pas de mail. Et au pire, j’irai là où je ne suis pas traçable, en faisant par exemple du téléchargement direct type Rapidshare.»
Recueilli par Alice Antheaume