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Apple et Nicolas Sarkozy, troublants succès

MessagePosté: 04 Mar 2008 22:21
de liv3r
[center] Quoi de commun entre Apple et Nicolas Sarkozy ? Vu depuis notre fenêtre, une chose au moins : ils gagnent alors qu’en théorie, ils devraient perdre.

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Comment ? A l’heure du web 3.0, des mashups, du dégroupage généralisé et du P2P, de la “longue traîne”, Apple écrase le marché avec son baladeur qui ne fonctionne bien qu’avec son logiciel et son service en ligne ? Et ceux-là même qui célèbrent les modèles d’affaires agiles et ouverts du web 2.0, se précipitent pour acquérir l’iPhone, obligatoirement (ou presque) couplé avec un seul opérateur par pays ainsi qu’avec un abonnement trop riche, et dont on ne se sort pas comme ça ?

A l’époque des structures plates, des réseaux et des communautés, le pouvoir politique se personnalise et se verticalise comme jamais, en tout cas depuis une trentaine d’années ? Alors que les “médias des masses” sont censés détrôner les vieux mass media, que les “citoyens journalistes” décodent tout, révèlent tout, les médias sur lesquels notre Président s’appuie, avec une réussite certaine, se nomment TF1, France 2, Paris Match… ? Et il en va à peu près de même du côté de ses deux challengers de l’élection présidentielle, Ségolène Royal et François Bayrou. Bien sûr, tous trois ont beaucoup utilisé l’internet pendant la campagne. Mais la vérité est que l’internet n’a joué qu’un rôle marginal, que cette fois (contrairement à ce qu’il s’était passé lors du référendum sur la Constitution européenne), tous les forums en ligne, toutes les vidéos diffusées sur YouTube, n’ont rien changé, rien déterminé, fort peu influencé. Et encore, c’était pendant la campagne : aujourd’hui c’est pire. Face au petit écran du salon, à la radio, au papier des magazines, les médias des masses n’en font pas des masses.

Nous n’avons pas autant que d’autres annoncé la victoire du “peuple des connecteurs”, ni proclamé l’avènement du “nouveau pouvoir” des internautes. Mais reconnaissons-le, nous avons tout de même eu envie d’y croire. Or en 2007, tout s’est passé à l’inverse de ce qu’annonçaient les prophètes du 2.0. Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Nous devons essayer de comprendre.

Alors, de deux explications l’une.

Il peut s’agir d’une sorte de chant du cygne. Le vieux monde s’éteint dans un ultime feu d’artifice où il se caricature lui-même dans les lignes de l’iPhone et celles de Carla Bruni, avec Steve Jobs et Nicolas Sarkozy en MM. Loyal, battant avec leur habituel talent une scène qui se dérobe insensiblement sous leurs pieds, sous le regard fasciné, vaguement nostalgique et au fond déjà indifférent des citoyens-en-réseau.

Ou bien, quelque chose cloche dans la théorie, dans l’imaginaire merveilleux du web communautaire, ouvert et citoyen, qui est un peu le notre. Trois choses, en fait. D’une part, nous restons, plus que nous ne l’admettons, prêts à sacrifier quelques principes pour un bel objet ou un bon spectacle. D’autre part, on a trop vite traduit la spectaculaire progression des “contenus générés par l’utilisateur” comme une forme de (re)prise de parole publique et citoyenne – alors qu’il s’agit sans doute, le plus souvent, de partager les petites choses de la vie, les plaisirs, les amitiés, les intérêts, nos quotidiens respectifs et respectables. Enfin, le monde des “netoyens” s’est refermé sur lui-même en un dense réseau où l’on se cite et se référence les uns les autres, où l’on parle le même jargon, où l’on blogue à propos des blogs autant que des sujets dont on blogue, au point qu’il devient possible d’oublier qu’il existe un autre monde, qui ne nous lit pas.

Début d’année, l’heure des prédictions. Je parie plutôt sur la seconde hypothèse.

Daniel Kaplan