C'est aujourd'hui à midi que Frédéric Mitterrand, accompagné de Marie-Françoise Marais, présidente du collège de la Hadopi, a officiellement installé la Haute Autorité. Le ministre a par ailleurs indiqué que l'instance s'est déjà mise au travail, tandis que les premiers mails d'avertissement devront partir entre avril et juillet.
Ça y est, c'est donc fait. Aujourd'hui à midi, lors d'une conférence de presse rue de Valois au ministère de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand a officiellement installé le collège de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet. Accompagné de la toute nouvelle présidente de ce collège, Marie-Françoise Marais, ainsi que de l'ensemble des membres de cette instance et de la Commission de protection des droits, le ministre a profité de son discours pour rappeler la nécessité "d'inventer une évolution et une adaptation de la problématique des droits d'auteur à l'ère numérique", à travers la mise en place par le législateur de "deux instances complémentaires" pour répondre à ce défi.
"La fameuse loi Hadopi a enfin un visage !" a lancé Frédéric Mitterrand, en guise de préambule. Revenant sur le long périple des deux lois Hadopi, qu'il a qualifié de "fondatrices" malgré la censure de la première par le Conseil constitutionnel, le ministre a salué le "travail et l'opiniâtreté" de l'ancienne ministre de la culture, Christine Albanel, et de la représentation nationale pour avoir réussi contre vents et marées à parvenir au bout du processus législatif et politique. "Cela couronne la volonté de la majorité parlementaire" a-t-il souligné.
Mais alors que les Sages du Conseil constitutionnel ont fait de l'accès à Internet un droit fondamental, à travers celui de la liberté d'expression, le ministre a tout de suite minimisé l'impact de cette censure, estimant que les "sanctions envisagées obéissent à un principe très sain et très pondéré de graduation qui laisse aux contrevenants de prendre toutes les dispositions pour éviter "le pire"". Et encore, "il ne s'agit, à vrai dire, que d'une suspension de leur abonnement Internet" a poursuivi le ministre. Pas de quoi en faire tout un plat donc. Les internautes apprécieront.
Quoiqu'il en soit, la "Haute Autorité est prête à travailler" a déclaré le ministre : "elle a même commencé à le faire ce matin", alors que la date de publication des décrets concernant les spécifications essentielles pour les logiciels de sécurisation labellisés est encore un mystère. Tout comme le délai prévu pour que la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés transmette les autorisations nécessaires pour la collecte des adresses IP des internautes.
D'ailleurs en ce qui concerne les logiciels de sécurisation, les petites mains du ministère devront être particulièrement prudentes pour les rendre légaux. Comme l'a rappelé Philippe Langlois, fondateur du /tmp/lab, ces outils devront forcément être de plus en plus "actifs" afin d'être véritablement efficaces. Or en contrôlant la légalité d'un téléchargement, le dispositif représente nécessairement une connexion "hostile", dans le sens où elle ne participe en rien au bon déroulement du protocole. Il n'est donc pas impossible que ces logiciels tombent sous le coup de la loi Godfrain (.pdf) qui condamne le piratage informatique ou sa tentative.
Interrogé d'ailleurs sur ces logiciels, le ministre a confessé ne pas savoir où en était exactement ce dossier. Cependant, c'est la Haute Autorité qui devrait s'occuper des spécifications. La question reste donc en suspend, jusqu'à la publication des décrets. Mais si le programme a des effets non-prévus sur le système hôte, des internautes pourraient être tentés de saisir la justice et de contre-attaquer...
En attendant, la Haute Autorité pourra s'appuyer sur les mails d'avertissement. Comme nous l'avions indiqué auparavant, les premiers courriels ne partiront qu'entre avril (l'option basse selon le ministre) et juillet (option haute). C'est donc bel et bien après les régionales que le dispositif se mettra en place. Un coup que beaucoup considère comme politique, permettant à la majorité présidentielle de se retirer une épine du pied.
Fustigeant "une création livrée au leurre de la gratuité, sans droits pour les auteurs", Frédéric Mitterrand a rappelé que "le rôle de l'État est de veiller à l'équilibre des intérêts, c'est-à-dire à l'intérêt général, et à la continuité du droit, quelles que soient les évolutions technologiques". Et "cette exigence a un nom : la régulation". Et ce sont ces deux instances, la collège et la Commission de protection des droits, qui devront mener à bien cette mission, afin de "faire d'Internet un espace libre expression et circulation de la culture, qui soit en même temps un lieu de responsabilité, c'est à dire un espace de droit".
Le collège sera "chargé d'observer l'utilisation licite et illicites des oeuvres sur Internet, et d'encourager au développement de l'offre légale, qui est l'indispensable corollaire de cette politique. Il est également responsable de la mission - anciennement dévolue à l'Autorité de régulation des mesures techniques - de veille et de régulation en matière de mesures techniques de protection et d'identification d'oeuvres protégées par un droit d'auteur ou un droit voisin" a expliqué le ministre. Une autorité de régulation qui avait été particulièrement inutile.
"La commission de protection des droits, quant à elle, devra instruire les dossiers au regard de ces mêmes droits sur les réseaux de communication en ligne. C’est en effet à elle qu’il reviendra d'adresser des rappels à l’ordre aux titulaires d'abonnements à Internet dont les accès auront été utilisés à des fins de piratage, d'abord sous forme électronique, puis, en cas de nouvelle infraction, par lettre recommandée".
Rappelant que "contrairement à ce que certains voudraient faire accroire, de mettre en place un quelconque aréopage de « Pères Fouettards » ennemis du « peer to peer", le ministre a souhaité une nouvelle fois faire en sorte que la "Toile soit un espace régulé et civilisé de la révolution numérique". Car la "Haute autorité va s'occuper de tout !", du peer-to-peer au téléchargement direct, sans oublier le streaming.
Au final, nous n'en savons pas beaucoup plus. Comme la date des décrets, le coût total de l'Hadopi (le chiffre de 5 millions a été avancé, mais il ne tient pas compte de la participation des FAI) ou encore la date du premier internaute déconnecté.
On imagine cependant qu'avec des mails censés partir avant la fin de l'été, la Haute Autorité voudra sans doute faire un exemple avant la fin de l'année, mais les délais seront excessivement serrés. Malgré tout, les déclarations parfois évasives du ministre, appelant parfois ses conseillers à la rescousse, nous donnent toujours l'impression que le gouvernement navigue à vue sur ce dossier.
L'Hadopi a présenté son logo à l'occasion de son lancement officiel vendredi dernier. Bémol, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet aurait justement violé des droits en utilisant sans autorisation une typographie, nommée Bienvenue. C'est son concepteur lui-même, Jean-Baptiste Levée, qui a découvert le pot au rose et révélé l'affaire sur Twitter. Il y explique que l'usage de cette typographie exclusive est réservé à France Télécom et à ses filiales, et qu'elle ne peut être utilisée par un tiers.
L'erreur de manipulation à gauche, la variante rectifiée à droite.
Face au tollé qu'a provoqué cette affaire, l'agence de graphisme en charge du logo, Plan Créatif, a reconnu « une erreur de manipulation », et immédiatement publié une variante rectifiée. D'après un porte-parole de l'agence, c'est « une esquisse de logotype qui avait été écartée lors des phases traditionnelles de vérification de similitude (qui) a été malencontreusement présentée comme solution graphique définitive ». Reste que la marque a été déposée avec la version illicite du logo.
Source : clubic.com
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